
Chap. 4 - les chantiers au coeur de la vie des seynois
1ère Partie
Rappelez-vous cette photographie… Il s’agit de l’atelier ….

des turbines

dont nous avons parlées dans le chapitre précédent avec la découverte de la Révolution industrielle et avec elle le secret de la vapeur…

L’utilisation de la machine à vapeur a fait évoluer les techniques de construction : on va passer du bois au fer et construire plusieurs cuirassés (gros navires de guerre) comme le célèbre « Jauréguiberry » lancé en 1893 en présence de Sadi Carnot, Président de la République à ce moment là.
Et pour cela, il faut davantage d’ouvriers.
Où trouver autant d’ouvriers ?
As-tu une idée ?

… dans les campagnes …
Les paysans quittent leur terre pour venir travailler aux chantiers : on appellera ce mouvement l’exode rurale.
On les trouve aussi
… à l’étranger …
Les FCM font venir de nombreux émigrés qui viennent :
• d’Italie (dans la région de Butti), mais aussi des Gênois, des Toscans, des Vénitiens…
En 1891, sur 14 332 habitants seynois, on compte 3 575 habitants d’origine italienne.
• Mais viennent aussi des Turcs, des Arméniens et même des Chinois,
tous futurs habitants de :
LA SEYNE-SUR-MER

la ville portant officiellement ce nom depuis le 8 avril 1888.
Les chantiers sont alors au coeur de la vie des seynois
puisque beaucoup sont des ouvriers.
Qui travaillent aux chantiers ?

Les hommes évidemment !
Un ouvrier passait toute sa vie au travail et le rythme était dur.
En 1872, grâce aux grèves des travailleurs, un règlement du travail interdit de travailler plus de 12 heures par jour.

(les hommes) mais aussi
… les femmes…
Leur place est importante. Nous avons déjà vu en cours d’histoire le rôle des femmes durant la « Grande Guerre » (voir article en cliquant ici ).

Les femmes vont devoir travailler à la place des hommes et montrer combien elles peuvent être responsables, indépendantes et indispensables à la vie sociale et économique de la ville.
Et enfin, il ne faut pas les oublier …
Ils sont hélas bien présents sur les photographies.
Bientôt nous tournons une page pour nous projeter au coeur du 20ème et 21ème siècle avec l’apogée des chantiers mais aussi hélas leur fin… Rendez-vous pour le dernier chapitre.
Chap. 5 - les chantiers au coeur de la vie des seynois 2ème Partie
Ici sur cette photographie un autre symbole de la ville :
la porte des chantiers

qui au rythme de la sirène (autre symbole seynois) voyait passer chaque jour des milliers d’ouvriers entrer et sortir des chantiers.
Parlons un peu maintenant d’urbanisation ou si tu préfères de la ville car il faut bien loger tous ces ouvriers et leurs familles.
La population du centre-ville augmente considérablement au détriment des campagnes.
Si en 1852 la population de la Seyne comptait 7 400 habitants en 1911 elle en compte déjà 19 825 et en 1931 ce sera 24 144 (avec St Mandrier).
Les conditions de vie et de travail ne sont pas toujours facile.
L’eau courante n’existe pas, il faut aller chercher l’eau au puits ou à la fontaine.
On lave son linge au lavoir comme le montre la photo.

Observe cette photographie :
peux-tu décrire cette scène de famille ?

Les ouvriers en plus de conditions de travail pénibles étaient souvent mal logés, entassés dans le quartier de la Lune où la saleté était telle que les maladies proliféraient.
Une épidémie de choléra en 1865 tua plus de 500 personnes.
Petite devinette !

Je m’appelle « le torpilleur des rues ».
Je passe tous les matins.
Je vais répandre dans les champs mon contenu.
Grèce à moi, les plantes pousseront bien.
Je disparaitrai en 1952.
Quelle était ma fonction ?
Jusqu'en 1952, les habitants de La Seyne-sur-Mer n'avaient pas de tout-à-l'égout, ils vidaient donc leur pot de chambre (la toupine) dans un véhicule (le torpilleur) qui passait tous les matins pour ramasser les excréments. Ils étaient répandus dans les champs pour servir d'engrais « naturel ».
En 1952, on construit un émissaire, c’est-à-dire un tuyau/tunnel pour acheminer les eaux usées de notre ville jusqu'à la mer.
Cet émissaire commun avec Toulon part de Lagoubran et arrive au Cap Sicié dont il traverse la roche. Sa construction sera dangereuse (plusieurs morts) et coûteuse mais permet notre confort actuel car il est encore utilisé avec des améliorations dans un souci d'écologie.
Revenons aux ouvriers qui vont se révolter.
Ils se réunissent d’abord en cachette puis s’organisent en syndicat : le 1er syndicat seynoisconstitué de charpentiers apparait en 1893. Ils font des grèves pour revendiquer des améliorations sur leurs conditions de vie et de travail.

Enfin entre 1910 et 1922, un code du travail est rédigé pour protéger les travailleurs. Mais c’est en 1936 que les salariés obtiennent quelque chose d’extraordinaire : les congés payés !

La vie est bien plus agréable et les seynois ouvriers comme bourgeois peuvent profiter du hameau des Sablettes (voir article janvier 2015 dans les archives)

De plus l'appartenance aux chantiers dépassait le cadre du travail et les ouvriers pouvaient profiter de diverses possibilités :
- On y travaillait mais on pouvait s'y laver, y pratiquer du sport, s'y faire des amis, et parfois même s'y marier.
- Un Comité d'Entreprise organisait les loisirs, vacances, repas, arbre de Noël et même des tournois de football mémorables entre ateliers.
- Le petit-déjeuner était pris aux chantiers tous les matins et un repas de fin d'année offraient de grands moments de convivialité.
- Le salaire était versé tous les 15 jours et en espèces (on conservait son argent à la maison, pas à la banque).

Écoute,
on entend une autre sirène
menaçante celle-ci...

nous sommes au coeur de
la seconde guerre mondiale :
les FCM sont alors occupés militairement, les occupants allemands ont pris possession de Toulon et de sa flotte. Les activités navales et maritimes sont stoppées.
C’est la date du 17 août 1944 qu’il faut retenir : pendant la libération de Toulon, les allemands donnent l’ordre de détruire les installations portuaires … Tout disparait, les archives et futurs projets, les ateliers, les cales, les engins…

Georgia est une police élégante qui s'utilise en mode gras uniquement. Très lisible, elle s'adapte parfaitement aux écrans mobile.

La Seyne se relève et construit en 1948 un paquebot-bananier « Dubreka » pendant la phase de reconstruction et à partir de restes de matériaux trouvés dans les décombres.

Maintenant plus rien n’arrête les FCM qui prospèrent avec les constructions de superbes navires comme le « Lyautey ».

En 1960, les chantiers de l’Atlantique avaient construit le fameux paquebot « France » (voir article suivant) ; les chantiers de la Méditerranée vont construire en 1965 le paquebot « Sagafjord » commandé par une compagnie norvégienne. Cette construction durera 2 années et demi et occupera 2 000 ouvriers.

Dans le même temps, on construit de nouveaux logements modernes : la cité de Berthe.

Mais hélas, à cette date, les premières difficultés apparaissent obligeant les ouvriers à descendre dans la rue pour manifester.

Les Livres Blancs
Une fin programmée
La Mondialisation est à l’origine des difficultés. Les FCM doivent faire face à la concurrence de nombreux autres pays où la mains-d’oeuvre est sous-payée, malmenée et exploitée dans le but d’obtenir des navires à bas prix.
Un « livre blanc » va alors être publié par l’Europe.
Dans ce « livre blanc » on y trouve une marche à suivre prévoyant la fermeture de plusieurs grands chantiers navals européens dont les 5 grands chantiers français auxquels appartient celui de La Seyne-sur-Mer.

C’est la révolte, d’autant plus que l’état qui soutenait financièrement les chantiers réduit son aide.
Au 19ème siècle, les ouvriers se sont battus pour
améliorer leurs conditions de travail,
au 20ème siècle, ils se battent pour
sauver leur travail.
Est-ce que cela va marcher ?
regarde le graphique suivant

Et oui, en 1967, les chantiers redémarrent mais changent de nom : ils s’appelleront CNIM qui veut dire :
C comme C - - - - - - - - - - -
N comme N - - - - -
I comme I - - - - - - - - - - - - -
et M comme M - - - - - - - - - - -


Sous l’impulsion de Mr Berre, l’activité se diversifie avec l’expansion du secteur terrestre : usine d’incinération, escaliers roulants, ponts flottants, tubes lance-missile, fabrication de travaux pour le nucléaire, etc.
Dans le secteur naval, l’activité se diversifie avec l’industrie de haute mer (applée offshore) et on construit des « méthaniers ».

Sais-tu ce que l’on transporte dans les méthaniers ?
Un indice : on le met dans ces grandes cuves que tu vois là
(compare avec la taille de l'ouvrier).

Réponse : du gaz !
Entre 1972 et 1979, les CNIM sont à l’apogée de leur histoire : grâce à toutes ces activités, près de 35 000 emplois sont créés.
En 1975, les Chantiers de La Seyne connaissent le plus beau carnet de commandes de toute leur existence, qui s’étalait jusqu’au premier 1981.

CONSTRUCTIONS NAVALES ET INDUSTRIELLES
DE LA MÉDITERRANÉE
Un homme, Mr Marcel Berre va être à la tête et diriger les CNIM qui prospèrent , les effectifs passent de 2 600 à 5 800 employés.
Un grand atelier de préfabrication est construit ainsi que des plate-formes très solides et adaptées pour recevoir des grands « blocs » (parties entières de navires), l'informatique apparait avec la salle des ordinateurs.
Mais en 1977, l’Europe publie un deuxième « livre blanc » où on décide d’’accélérer la fermeture de presque tous les chantiers européens.
Mr Marcel Berre meurt dans un tragique accident de voiture le 5 avril 1980.
Les deux chantiers restants, ceux de La Ciotat et de La Seyne doivent fermer.
Dorénavant, la façade méditerranéenne doit désormais se destiner au tourisme.
Dans le prochain et dernier article, nous allons voir les transformations et les réhabilitations du site…
chap. 6 - les chantiers aujourd'hui 2016 / Conclusion
Dans le chapitre précédent, nous avions vu que malgré les carnets de commandes remplis des CNIM, les deux chantiers restants, ceux de La Ciotat et de La Seyne devaient fermer.

Dans un premier temps,
en 1982, les 2 secteurs
- la navale et le terrestre -
se séparent.
Le secteur terrestre garde le nom de CNIM (le N de « Navale » devient le N de « Nouvelles ») et le secteur naval prend le nom de NORMED, le nom venant de la fusion entre les Chantiers du Nord (Dunkerque) et de la Méditerranée.
La NORMED essaie de poursuivre son activité mais cela va être de plus en plus difficile…
Pourtant, c’est à cette époque que naissent les grands paquebots tels :
« l’Atlantic » et « le Fairsky ».

« le Fairsky » deviendra même le symbole de la lutte des salariés.

Mais les événements se précipitent et
le 30 juillet 1988, la NORMED est liquidée.

LE 29 FÉVRIER 1989, les seynois entendent pour la dernière fois,
la SIRÈNE
qui rythmait leur vie depuis
un siècle et demi.
Mais ne soyons pas triste, restons positifs et regardons en avant…
Aujourd’hui, le territoire seynois est en phase de re-dynamisation industrielle.
Que reste-t-il des chantiers ?
Retrouvons sur le plan les lieux.

La plupart des bâtiments ont été détruits après la fermeture.
Des nombreux bâtiments que comptaient les chantiers, il ne reste que
-
le pont,
-
l’ atelier mécanique dit « des turbines »,
-
les ateliers des Mouissèques dit CNIM
-
la porte des chantiers navals.
-
Le port de commerce de Brégaillon est toujours en activité.
Les CNIM situés entre Brégaillon et Lagoubran, continuent leurs activités terrestres comme la construction de ponts flottants, de pièces détachées, de chaudières mais aussi de chars, d’usines d’incinération, d’escalators… et récemment de panneaux solaires…

Sur le site, on trouve un riche bassin d’emplois dans l’ingénierie maritime et autour des divers métiers de la mer avec
-
la recherche sous-marine (l’IFREMER et la COMEX),
-
la formation aux métiers de la mer (IPFM).

Et puis la Seyne a des projets : port de plaisance pour accueillir des bateaux, et réhabilitation de l'atelier mécanique en pôle culturel (pourquoi pas un cinéma) et commercial.
Son avenir est aussi dans le tourisme avec :
-
l’entretien et le gardiennage (port à sec) de bateaux,
-
l’accueil de yachts, accueil de paquebots,
-
la construction de l'hôtel Kyriad,
-
la rénovation et transformation du pont en belvédère sur la rade et la ville (plate-forme pour admirer le paysage),
-
l’aménagement du parc de la Navale
-
et surtout le chemin de la Mémoire dédié à la construction navale : chemin que nous prendrons bientôt en passant par la fameuse porte des chantiers (rénovée)…

Et très prochainement, lorsque vous passerez sous la porte, vous entendrez comme il y a longtemps, la sirène des chantiers…